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croire que, comme Germain dans la prison d’Arras, Babeuf et Buonarroti qui paraissent avoir été les vrais chefs du parti, eurent quelque répulsion pour un plan qui préludait à la guerre civile par un quintuple assassinat. On a cru que, quelques jours après, ils s’étaient ravisés et avaient essayé soit de tuer les Directeurs, soit de se saisir de leurs personnes. Un billet de Carnot du 19 floréal ferait allusion à un coup de main tenté contre le gouvernement la veille : « Le coup qui nous a manqués hier soir, citoyen ministre, peut avoir aujourd’hui un plus grand succès. » Mais le billet a été mal lu ; Carnot a voulu dire : Le coup que nous avons manqué, ce qui est bien différent[1].

Le Directoire savait qu’un mouvement se préparait.

    Pesche était un agent provocateur : les rapports que nous avons lus aux archives nous parassent démontrer que ce jeune homme de vingt-deux ans était un babouviste convaincu.

  1. P. Robiquet, Arrestation de Babeuf, Révolution française, p. 305. Le contexte du billet tel qu’il nous est donné n’est pas très cohérent. « Ils nous ont manqués hier soir, ils peuvent réussir ce soir. Essayons de les prendre ce soir, » cela ne forme pas une suite d’idées satisfaisante. Il faudrait une phrase intermédiaire, comme celle-ci : le plus sûr moyen de nous défendre est de les attaquer. Autrement, on attend plutôt : On nous a manqués hier. On peut nous atteindre aujourd’hui ; prenons des mesures de défense. — Mais la suite des idées devient très naturelle si on suppose : « Nous les avons manqués hier : une meilleure occasion se présente ce soir ; profitons-en. » Du reste un coup de main de cette nature, c’était le commencement de la révolution. Or tout ce que nous savons par Buonarroti, par le procès et les pièces des Archives dément l’hypothèse que l’explosion ait été fixée pour le 18. Ce qu’il y a eu le 18, c’est justement un coup manqué du gouvernement contre les conjurés. « D’après les renseignements donnés par Grisel, des ordres furent expédiés pour surprendre le 18 les conjurés dans une réunion qu’on supposa devoir avoir lieu chez Ricord ; on ne trouva personne, et de nouvelles mesures furent prises pour investir le lendemain soir l’habitation de Drouet où le traître savait que les conjurés devaient se rassembler. » Buonarroti, t. I p. 179. Il est possible, pensions-nous en rédigeant ce passage loin de Paris, que Carnot ait écrit incorrectement : « le coup qui nous a manqué, » qui a manqué à nous, où nous n’avons pas réussi, et que la copie ait ajouté une S. — Nous avons vérifié le texte ; il porte : qui nous a manqué : c’est le sens neutre