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I


L’histoire des doctrines socialistes, dans le passé, même reculé, est intéressante en elle-même. Ces doctrines sont, avant tout, un fait social de la plus haute importance. Elles reflètent l’état des esprits en des moments décisifs de l’histoire générale et figurent comme l’une des causes les plus actives des plus mémorables révolutions. Mais leur étude offre de plus un intérêt pratique considérable à l’heure actuelle : elles peuvent en effet contribuer à la pacification des esprits et nous permettre à tous, amis et adversaires, d’envisager avec quelque sang-froid des questions d’autant plus difficiles à résoudre qu’on apporte plus de passion à leur examen.

C’est, en effet, la condition ordinaire de l’homme de ne pouvoir plus appliquer les facultés qui lui servent à juger objectivement des choses, dès qu’il est sous l’empire de l’amour ou de la haine. L’objet aimé ou détesté devient unique, inassimilable à aucun autre ; il paraît être le premier et le dernier de son espèce, ou plutôt il n’appartient à aucune espèce, et ne relève d’aucune loi, en sorte que,

    tif prétendre guérir tous les maux dont souffrent les sociétés et offrir des remèdes à tous les désordres, traiter en un mot de toutes les questions morales, politiques et religieuses, puisque la souffrance est attachée à tous les désordres, comme le bonheur résulte de l’accomplissement de toutes les fonctions normales. On jugera sans doute qu’une telle prétention serait fort téméraire. Aucun homme ne réunit toutes les compétences techniques indispensables à un pareil rôle. En dernière analyse, les faits dits d’Économie sociale sont la réaction des sentiments collectifs sur les diverses pratiques sociales il n’y a pas ou nous ne croyons pas pour le moment qu’il y ait une technique spéciale constituée pour régler méthodiquement cette réaction.