Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/39

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figure fatidique : et cependant don Félix sent redoubler son ardeur et chemine derrière elle.

Ils traversent des rues tristes,
des places mystérieuses,
des murs en ruines,
où dans la mystérieuse
nuit orageuse,
la sorcière maudite
chante d’une voix rauque
ses prières
et ses faux exorcismes,
et fait lever les morts
des tombeaux.
On entend l’écho
de leurs pas qui sonnent le creux
dans la solitude,
pendant que dans le silence
gît la cité
et qu’Aquilon qui brame
berce son sommeil
de sons lugubres.

Ils traversent une rue, puis une autre, toujours plus loin, toujours plus loin : la route n’a pas de terme et ils ne cessent jamais de marcher. Ils vont, passent, retournent, laissant cent rues derrière eux ; ils se suivent pas à pas et avancent toujours. Montemar commence déjà à s’égarer et à se perdre, ne sachant où il va, ne devinant pas où il est. Il parcourt d’autres rues, d’autres places, une autre ville : il voit des tours fantastiques se détacher de leur base éternelle, et leurs lourdes masses noires se mettre en mouvement, s’appuyant sur leurs angles qu’elles fixent sur le sol, en enjambées inégales et lentes. À leur allure monotone, les cloches ébranlées sonnent des glas mys-