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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/41

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étonnantes, car je les ai bien vues ces tours, qui, semblables à des mules de louage, marchaient avec leurs clochettes.

« Et cette femme, qui peut-elle être ? Mais serait-ce le diable en personne, que diantre cela me fait-il ? D’autant plus que les vêtements qu’il porte en cette occurrence lui vont à ravir.

« Noble dame, j’imagine que vous êtes nouvelle venue dans la ville ; marcher ainsi est folie : ou vous vous êtes égarée, ou vous marchez pour le plaisir de marcher.

« Elle s’est entêtée à ne pas répondre, ce qui chez une femme est la plus bizarre folie, et se figure que je dois l’aimer pour sa seule démarche. »

Cependant don Félix cheminait à tâtons : devant lui marche la blanche vision ; la sombre nuit triple son épouvante, Aquilon redouble ses cris horribles.

Les girouettes de fer grincent en tournant, on entend résonner un craquement de chaînes : dans les tours, les cloches élevées, inquiétées par le vent, rendent des sons cadencés.

Un bruit de pas de gens qui viennent, marchant en mesure avec une sourde rumeur, qui s’arrêtent de temps en temps et semblent prier en un murmure confus,

arriva bientôt aux oreilles de don Félix : bientôt il vit briller dans le lointain une centaine de lumières ; bientôt il vit que, en longues files, murmurant lugubrement,

s’avançaient des êtres vêtus de deuil ; et bientôt il voit avec terreur plus prés de lui, qu’ils portaient un cercueil sur leurs épaules, et que deux cadavres y étaient étendus.

Les lumières, l’heure, la nuit, tout semble cacher un