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La chouette criait ; les oiseaux de ténèbres
Secouaient les longs plis de leurs ailes funèbres ;
La lune, œil de la nuit, regardait des tombeaux ;
Les vitres frémissaient sous un souffle magique ;
Et les démons portaient dans leur main énergique
Des étoiles pour leurs flambeaux.

Jéhonne veillait seule ; en souriant peut-être,
Ecarta les rideaux du lit ; à sa fenêtre
Emprisonna le vent qui siffle sur les monts ;
Mais, hélas ! oublia, sur son chevet timide,
D’épandre goutte à goutte, avec un buis humide,
L’eau qui fait fuir les noirs démons.

La tête sur sa main, elle entendait craintive
Les feuilles se mouvoir avec leur voix plaintive ;
Du soldat qui veillait elle comptait les pas ;
Ecoutait le silence, et n’osait derrière elle
Regarder ; puis disait, en brodant sa dentelle :
Ô pourquoi ne revient-il pas ?

À la porte une main frappe : — Est-ce toi, Gustave ?
— Ouvre, c’est ton époux ! — À cette voix suave,
La porte sur ses gonds roula : complaisamment
La lampe ranima sa mourante étincelle,
Et le preux chevalier baisa la main de celle
Qu’il aime encor comme un amant.