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Mais, si la mort avant vient fermer ma paupière,
Au cercueil, loin de toi, si je suis endormi,
Donne en pensant à lui, donne à ton vieil ami,
Au moins un souvenir et puis une prière !

Et comme un saule vert, sur le bord du ruisseau,
Abandonne au courant quelques branches fanées ;
Ami, quand tu verras, penché sur le tombeau,
S’efTeuiller, jour par jour, tes rapides années ;

Quand, près de ton foyer, une troupe d’enfans,
Le soir, viendra siéger au festin de famille,
Suspendue à ton cou, quand une jeune fille
Penchera son beau front sur tes longs cheveux blancs :

En leur montrant mes vers, dis-leur : « C’est l’héritage
D’un poète ignoré qui n’a vécu qu’un jour,
Que je pleure à présent, que j’aimais à votre âge,
Et que j’irai bientôt retrouver à mon tour. »

Ce luth dont les accens vivront dans ta mémoire,
N’aura pas vainement entre mes doigts frémi ;
Car le port le plus sûr est le cœur d’un ami,
Au milieu des écueils où nous jette la gloire.

Novembre 1832.