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ception au maintien des règles éternelles. Là où l’école de Cuvier voyait avec M. de Châteaubriand un exemple de ce que devient la nature sans le doigt de Dieu, Geoffroy admire avec Montaigne la persistance d’une unité inflexible et toujours présente, à laquelle rien réchappe, pas même le monstre. Cuvier se réfugiait dans la doctrine des anomalies. — Tout dans le monde, reprenait Geoffroy, est anomalie et prodige (’monstrum’) pour celui qui s’approche des faits avec ignorance : mais tout est d’une composition uniforme et constante pour celui qui s’élève au-dessus des détails, à la hauteur des vues du créateur et des rapports généraux de la création.

Ce qui restera surtout de Geoffroy Saint-Hilaire, c’est une direction. Il a ouvert, dans les sciences de la nature, une voie nouvelle qu’il est loin sans doute d’avoir parcourue tout entière, mais dans laquelle il est glorieux d’avoir fait les premiers pas. Ce sage vieillard ne s’aveuglait pas lui-même à cet égard sur la valeur de ses travaux : il se disait bien qu’en agitant la science pendant plus d’un demi-siècle, il n’avait jamais atteint le terme de ses efforts : arriver à la connaissance, même incomplète, des premières lois de la nature n’est pas l’œuvre d’un homme, c’est celle de l’humanité.

Une grande signification reste attachée à l’événement final de ces deux puissans chefs d’école : Cuvier qui meurt, c’est tout un passé de la science qui s’en va ; Geoffroy qui retourne à Dieu, c’est un avenir qui vient. L’un a mis dans l’histoire naturelle l’élément de résistance, l’autre celui de progrès. Ces deux prin-