le gardien a parcouru toutes les loges, distribuant à chacune la portion convenable, il introduit ses hôtes au festin qui leur est préparé. Quelques-uns font entendre, par des grognemens sourds, qu’ils sentent la présence de leur morceau et qu’ils veulent y mordre. L’ouverture de la loge se pratique au moyen d’une planche qu’on lève comme un rideau de théâtre. C’est alors que chaque acteur entre en scène et déploie son rôle de voracité. Nous n’avons rien de mieux à faire que de suivre le gardien dans l’ordre où il convie chacun de ses pensionnaires au repas du soir. D’abord, c’est la hyène qui vient plonger son museau sombre et fétide dans la chair sanglante. Cet animal a, du reste, été calomnié par les poètes qui en ont fait le symbole des passions fausses, haineuses et cruelles. Il n’y a pas au contraire de carnassier plus facile à l’apprivoisement que celui-là. Le premier venu peut sans danger lui passer la main sur le dos. La docilité de cet animal aux caresses de l’homme tient à ce que, son appétit le portant plutôt vers les proies mortes que vers les proies vivantes, la nature a jugé inutile de lui donner l’instinct de l’attaque et de la destruction. Mais si la hyène a été calomniée, c’est bien sa faute : pourquoi aussi est-elle si laide ? Il est impossible de voir ce train de derrière déprimé, ces poils raides, gris et sordides, cette physionomie ignoble, cette allure de croque-mort, sans éprouver devant un tel animal une répugnance invincible qui nous vient à coup sur de la bassesse de ses mœurs. Ce déterreur de cadavres nous dégoûte sans être méchant. Dans les animaux comme dans les hommes nous aimons
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