Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/262

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route. Le rustre qui montait ce cheval distrait le frappa du fouet et le gourmanda en disant : « Voilà encore de ses caprices ! Ce maudit animal n’en fait pas d’autres : il faut qu’il regarde tout ; on jurerait qu’il veut s’instruire. Un peu plus, et il parlerait allemand comme l’ânesse de Balaam. » Goëthe, jugeant par ce seul trait de notre action abrutissante sur les animaux domestiques, s’écria : « Voilà un homme qui est la bête de sa bête ! »[1]

Les peuples civilisés ont été poussés à l’éducation des animaux par deux mobiles puissans, le besoin et l’attrait. Dans la conquête de toutes les espèces alimentaires industrielles ou auxiliaires, c’est le besoin qui nous a guidés ; mais vis-à-vis de celles dont nous n’attendions pas de services, vis-à des vis des animaux domestiques accessoires, c’est l’attrait. Cet attrait est lui-même un besoin, celui de la communication. Il entre dans la nature de l’homme de se donner, de faire participer non-seulement ses semblables, mais encore les animaux même, à sa vie, à son développement, à tout ce qu’il est. Dieu a mis un amour propre dans l’amour des autres. Il y a du plaisir, nous oserions presque dire il y a de l’égoïsme à élever jusqu’à soi les êtres inférieurs, à leur transmettre en quelque sorte de notre intelligence et de notre volonté. La nature a voulu qu’il en fût ainsi pour que celui qui a plus partageât avec celui qui a moins. Il n’est personne qui ne ressente une joie secrète du cœur et comme un noble sentiment d’orgueil, à se voir re-

  1. Je tiens cette anecdote d’un Allemand, ami de Goëthe.