Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/280

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domestiques ; il a voulu leur communiquer, autant qu’il était en lui, ses idées, ses sentimens, ses mœurs ; en faire, pour ainsi dire, des images de sa nature. L’idéal de l’industrie est au fond le même que l’idéal de la poésie : seulement la poésie rêve, l’industrie réalise.

Il existe à Rome, sur la place de Monte-Cavallo, un groupe antique. Ce groupe représente deux esclaves conduisant deux chevaux sans bride. Comment l’homme contiendra-t-il ce fier animal libre du frein et du mors ? Il le regarde. Ce groupe n’est pas seulement à mes yeux un chef-d’œuvre d’art, c’est une révélation du but même que l’homme poursuit dans sa conquête sur la nature. Tant que l’homme règne sur les animaux, par la crainte, par la menace, et au moyen d’instruments accessoires, son empire est encore borné ; il possède à moitié ses sujets. L’idéal de la domesticité est de transmettre notre volonté aux animaux auxiliaires par les yeux, par le geste, par la voix. Il faut les rattacher de si près à notre existence, qu’ils deviennent, pour ainsi dire, des satellites de notre puissance, et comme des annexes de nos mouvemens. Ce rêve (si l’on veut que ce soit un rêve), la poésie l’a écrit dans des pages immortelles ; l’art l’a fixé sur le marbre : mais encore une fois l’art et la poésie sont de l’histoire dans l’avenir.

Les poneys norvégiens ont pris habitude d’obéir à la voix et au coup-d’œil de leur maître. S’il faut en croire le témoignage des maquignons, il serait aujourd’hui impossible de soumettre ces animaux au