circonstance oubliée par ses calculs. Ces luttes du savant avec la nature, de l’inventeur avec les obstacles qui embarrassent sa découverte, inspirent moins d’intérêt à la foule que les batailles de Napoléon avec le monde : elles n’en sont pour cela ni moins grandes, peut-être ni moins profitables à l’humanité. Chaque doute résolu était pour Gall une campagne d’Égypte, chaque objection réfutée valait Austerlitz. Il s’avançait de la sorte pas à pas sur le champ de bataille de la science, gagnant du terrain, en perdant quelquefois, mais réparant ses défaites par une force de volonté irrésistible. Et puis le but de sa conquête était sublime, c’était la connaissance de l’homme.
N’espérant rien des livres, ne trouvant dans les professeurs de l’école que des contradicteurs de ses idées, Gall persista à ne tenir aucun compte des opinions de son temps. L’anatomie elle-même ne lui avait rien appris. Il avait beau interroger le cerveau, le scalpel en main, il ne pouvait en tirer aucune révélation sur le mécanisme de nos idées. Le cerveau sous le crâne ressemblait, pour lui, à ces momies égyptiennes qui, sous leur enveloppe de bois de cèdre, gardent depuis plus de deux mille ans le secret de la tombe. Gall crut qu’il fallait surprendre la nature par d’autres voies détournées ; il inventa des moyens d’étude qui lui étaient propres. Un homme avait-il acquis de la célébrité par une puissance d’organisation quelconque, Gall faisait mouler en plâtre la tête de cet homme, et l’emportait dans son cabinet. Ce même individu venait-il à mourir, Gall ; qui avait reconnu que la chevelure était un obstacle à bien juger de la