Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/328

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le paraître et dirigerait les événemens sans qu’on vît au juste par quel côté il y mettrait la main. On conçoit qu’on puisse être envieux de cette incalculable force, même quand on se nomme Napoléon, et quand ce rêve exorbitant de la science n’est encore qu’une chimère.

Quoi qu’il en soit du motif, l’empereur combattit le savant, non de front et à visage découvert, comme il convenait au maître absolu, mais par derrière, à demi-mot et avec l’arme sournoise de la raillerie. Napoléon riait de Gall ; ce rire était répété par toute la ville. Les petits journaux de Paris étaient noircis de plaisanteries grossières sur l’étranger et sur son système. On s’amusa beaucoup dans le monde de la sensibilité du docteur Gall, faisant passer par les mains du docteur Spurzheim le crâne de ses anciens amis sous les yeux de son auditoire, en témoignage de certaines qualités ou de certains défauts qui leur étaient particuliers. Gall ne s’affligeait pas de cette lutte ; il en était fier. Il y avait, en effet, quelque grandeur à avoir pour ennemi celui qui était l’ennemi de vingt rois ; seulement cette résistance placée si haut lui attira le mauvais vouloir de cette tourbe servile qui mesure son assentiment à une idée sur la protection que le pouvoir lui accorde. Les académies et les corps savans génèrent la marche de la nouvelle science ; son fondateur se trouva en butte à mille attaques ; mais cet homme était invulnérable, car il croyait[1]. Quoique maniant avec beaucoup d’a-

  1. Ce qu’on a mis le plus en doute dans ces derniers temps, c’est précisément le bonne foi de Gall. Je repousse de tels soupçons injurieux, qui d’ailleurs ne me semblent pas fondés. Qu’en anatomie surtout, Gall ait quelquefois présumé