Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/340

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amis avaient consolé les derniers momens du vieillard. On ne saurait juger la figure du savant sur ce masque uniforme et triste que lui a donné la mort. La tête de Gall, quoique ses traits ne fussent pas réguliers, était belle et expansive ; on y lisait un mélange de finesse et de bon sens, de méditation et de volupté, de bonhomie et de malice, d’indocilité aux croyances établies et presque de superstition pour les idées personnelles. Ceux qui ont traité Gall de visionnaire, ceux qui l’ont traité de charlatan, ne l’ont point lu ou n’ont pas su le définir. Il avait, au contraire, une antipathie trop exclusive pour les esprits à rêveries nébuleuses, Spinosa, Mallebranche, Locke, Kant ; familier de la nature, il recherchait peu, disait-il lui-même, les bonnes grâces de la métaphysique allemande. Sincère, je crois qu’il le fut, du moins dans l’ensemble de sa doctrine. S’il s’est trompé, si la science donne plus tard un démenti cruel à ses idées, c’est un malheur. L’histoire de la philosophie n’est-elle pas celle des pérégrinations de l’esprit humain à la recherche de la vérité ? Le docteur Gall était lui-même très éloigné de partager la confiance aveugle et bornée de ses successeurs sur le sort du système qu’il avait fondé avec tant de peine. Son esprit rencontrait parfois des doutes devant lesquels il s’arrêtait effrayé. Il y avait des momens où, dans ce ténébreux voyage et sur ces vastes mers de l’inconnu, la boussole même de son intelligence ne marquait plus. Tout cela contribua à entourer d’ombres la fin de cette vie laborieuse, et à aigrir la vieillesse de ce savant, dont la destinée longtemps inquiète, militante et insolite, ne se repose