Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/54

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savans, des artistes et des gens de lettres dont l’opposition au gouvernement républicain était connue, jetèrent quelques doutes sur son patriotisme. Au 31 mai, son nom se trouva sur une des premières listes, parmi les noms des Girondins, avec lesquels il n’avait d’ailleurs aucune affinité. Marat, qui disposait, ce jour-là, de l’assemblée, et dont toute la haine était concentrée sur le parti de la Gironde, s’écria : « Lakanal ne conspire pas ; il aime trop les sciences ! » Le nom fut aussitôt effacé. Ce fait nous a été raconté par la sœur même de Marat, dans une petite chambre de la rue de la Barillerie, où cette fille est morte.

Le patriarche des sciences, comme on le nommait alors, Daubenton, avait employé une partie de sa fortune et plusieurs années de sa vie à faire croître sur le sol de la France des laines aussi fines que celles de l’Espagne. Sa bergerie de Montbard est demeurée célèbre. Ce savant, appauvri par le bien même qu’il avait fait, était hors d’état de continuer ses expériences : Lakanal obtient de la Convention qu’un ouvrage de Daubenton, déjà connu et ayant pour titre le Traité des Moutons, soit réimprimé au nombre de quatre mille exemplaires, qui seront vendus au profit de l’auteur. On comprend après de tels actes le mot de Ginguené : « Je veux faire passer en proverbe servir ses amis comme Lakanal. » Ses amis étaient ceux de la chose publique. L’ambition de ce citoyen éclairé était d’orner sa patrie et la révolution de l’éclat que les grands hommes répandent autour d’eux. Pour conserver le génie et pour le former, il sentait la nécessité de lui prêter l’assistance de l’État. « Je n’ignore