pour maître Horace, ou les Médailles Antiques qu’il a gravées d’après Anacréon. Ils sont trop rares pour déranger les lignes de son œuvre et pour en troubler la beauté austère. Personne assu rément n’a moins accordé que Leconte de Lisle à cette forme capricieuse de l’imagination qu’on appelle la fantaisie. Personne aussi n’a été plus persuadé de la nécessité du travail et des dangers de l’improvisation. Il n’attendait pas l’inspiration, comme font certains de ses confrères : il allait au-devant d’elle. Il ne la demandait pas, comme d’autres, à des excitations factices il la sollicitait par la lecture et la méditation. Il ne rougissait pas des recherches que lui coûtaient ses poèmes ; il parlait de « la série non interrompue » de ces études préparatoires comme d’une chose toute naturelle et indispensable. Cette méthode quasi scientifique a donné, nous le savons, à son œuvre une solidité remarquable. Elle a été cause, en revanche, de sa relative exiguïté. Les trois ou quatre volumes que Leconte de Lisle nous a laissés représentent le fruit de quarante années de labeur. Je ne crois pas qu’à eux tous, ils excèdent sensiblement le contenu de la seule Légende des Siècles.
Qu’importe, si à ce grain il se mêle peu ou point de paille. Rareté de la production n’est pas nécessairement synonyme d’infécondité. Elle peut signifier aussi — et c’est ici le cas — sévérité à l’égard de soi-même, conscience scrupuleuse, souci de l’exécution parfaite. Il ne tenait qu’à Leconte de Lisle de multiplier les recueils de vers. Il a attendu jusqu’à trente-quatre ans pour publier le premier. Ce premier était en réalité le troisième ou le quatrième. Sans parler de celui qu’en 1839 il projetait de faire imprimer de compte à demi avec Rouffet, il en rapportait un de Bourbon en 1845, celui que, selon la légende ou l’histoire, il effeuilla sur les vagues de l’Atlantique. En 1847, il avait de quoi fournir la matière d’un autre. Il écrivait, dans le courant de juin, à son ami Bénézit : « Je publie un volume considérable au commencement de l’hiver, et je n’attends pour commencer l’impression que la fin d’un poème auquel je mets la dernière main. » De celui-là, les éléments sont demeurés, en grande partie, épars dans les livraisons de La Phalange. C’est ce millier ou plus « de ses meilleurs