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LECONTE DE LISLE

tradition classique, en donnant au mot son sens le plus large, que Leconte de Lisle se rattache. Il en a fait profession le jour où il a reconnu à l’art le pouvoir de « donner, dans une certaine mesure, un caractère de généralité à tout ce qu’il touche[1] », signifiant implicitement par là que de nos émotions celles-là, à plus forte raison, sont proprement matière artistique, qui portent d’avance en elles ce caractère de généralité et ne peuvent demeurer étrangères à aucun de ceux qui participent de la nature humaine. En parlant et en pensant ainsi, il réagissait sans doute contre l’individualisme excessif de l’école romantique ; il cédait au goût de sa nature pour la vie intellectuelle et contemplative, justifiant la définition de lui-même,


Je suis l’homme du calme et des visions chastes[2],


qu’il donnait dans un des poèmes de sa jeunesse ; mais aussi, mais surtout, il obéissait au sûr instinct qui a fait de lui, en même temps qu’un grand poète, un des artistes les plus accomplis qu’il y ait dans notre littérature française.

  1. Préface des Poèmes Antiques, 1852.
  2. Staaff, La Littérature française, 1870, t. III, p. 815.