diaire de son ami Villeneuve, un étudiant qu’il a jadis connu à Rennes, les rédacteurs de La Démocratie Pacifique, journal phalanstérien de Paris. On lui promet « en attendant mieux, 1.800 fr. par an d’appointements fixes et l’impression, aux frais de l’École sociétaire, d’un volume de poésies prêt à être publié ». En avril 1845, vraisemblablement, il s’embarquait sur le trois-mâts La Thélaïre, capitaine Bastard, à destination de Nantes. La traversée dura deux mois. À ce voyage se rapporteraient les impressions d’où sont nées beaucoup plus tard deux pièces des Poèmes Tragiques, L’Albatros et Sacra fames, qui évoquent, au milieu de la tempête, le puissant oiseau, le « roi de l’espace »,
Fendant le tourbillon des rauques étendues,
ou, dans la solitude de l’Atlantique,
Le sinistre rôdeur des steppes de la mer,
le requin immobile entre deux eaux, le corps inerte et l’œil terne,
guettant la proie que happeront ses redoutables mâchoires. Une
de ces légendes dont on se plaît à embellir la vie des poètes veut
que, pendant les longues journées de flânerie sur le pont du navire, il ait relu le cahier de poésies qu’il emportait avec lui, et
que, feuillet par feuillet, il l’ait jeté à la mer, ne gardant que la
seule Hypatie, qui figurera en tête des Poèmes Antiques. Il me
paraît peu probable qu’au mois d’avril 1845, Hypatie fût déjà
composée moins probable encore que le jeune poète dispersât de
si bon cœur aux souffles de l’Atlantique le mince volume sur
lequel reposait toute sa fortune. Quoi qu’il en soit, en juin 1845,
il était à Nantes, et de Nantes il allait à Brest rejoindre Paul de
Flotte, sous les auspices duquel il devait se présenter rue de
Beaune, aux bureaux de La Démocrate Pacifique, où il était
attendu.
L’auteur de la Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, l’inventeur de l’harmonie universelle fondée sur l’attrac-