Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/105

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de son repos et de sa félicité. On favorise toutes les opinions, toutes les erreurs qui le retiennent dans cet avilissement : si la multitude trouve son compte dans les travaux pénibles de cette servitude, à la bonne heure ; si, au contraire, les choses se trouvent arrangées de façon que la prospérité de quelques familles, ou d’une seule, dépends de la misère de toute la nation, ou de la plus grande partie, c’est de quoi s’embarrassent fort peu ceux qui se trouvent placés au premier rang. Des millions d’hommes ont à peine de quoi subsister ; les tributs, les impôts leur en arrachent une partie : qu’importe ; la famille, le corps, ou plutôt le fantôme qui représente la nation, est puissant et riche ; son autorité est affermie pour plusieurs siècles ; sa domination embrasse de vastes contrées ; le reste de l’humanité n’est qu’un vil ramas d’animaux utiles à la vérité : les maîtres seraient intéressés à leur conservation si, quelque accident qui pût arriver, l’espèce n’en était pas à peu près aussi nombreuse. C’est effectivement sur ces détestables principes que portent les affreuses maximes du machiavélisme, selon lesquelles les hommes seraient, à l’égard de leurs souverains, à peu près ce que les Ilotes étaient chez les Lacédémoniens.

Pouvoir et fonctions des souverains dans le droit naturel ;
leur véritable grandeur.

En rétablissant les choses dans l’ordre naturel, renversons la comparaison. Le tout vaut mieux que la partie même la plus excellente ; l’humanité entière vaut mieux que le meilleur de tous les hommes, et une nation est préférable à la famille la plus respectable et au citoyen le plus respecté.

Magistrats, grands d’une république, monarques,