Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/124

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pas ; si on le voit, à chaque instant, agir contre ses opinions, contre les principes dont il semble le plus fortement persuadé ; si enfin rien n’est plus inconséquent que l’homme dans sa conduite ?

Video meliora proboque, deteriora sequor.

Ovid.

La raison en est toute simple ; c’est que dans mille occasions vos préjugés, vos erreurs, vos folles opinions, s’opposent aux sages impressions de la nature ; le cœur en sent les indications promptes et sûres, et semble se rire du vain pédantisme de l’esprit qui voit faux.

Qu’on rassemble, après cela, toutes les inepties satiriques ou élégiaques que les stoïciens anciens et modernes, que les Pascal, les Malebranche, les Duguet, et quelques uns de nos meilleurs poëtes, ont débitées contre l’humaine espèce ; qu’on les examine selon nos principes, on verra que partie de ce qu’ils lui reprochent sont des puérilités, des misères, et on connaîtra du reste à quoi il tient que l’homme ne se corrige de ce dont on peut justement le blâmer ; on comprendra pourquoi ces censeurs extravaguaient si sagement, enfin comment et depuis quand,

Loin que la raison nous éclaire,
Et conduise nos actions,
Nous avons trouvé l’art d’en faire
L’orateur de nos passions.
C’est un sophiste qui nous joue,
Un vil complaisant qui se loue
À tous les fous de l’univers ;
Qui s’habillant du nom de sages,
La tiennent sans cesse à leurs gages
Pour autoriser leurs travers.

Rousseau.