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Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/15

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eux, soit également, soit selon des proportions établies par le souverain. De quelque manière que se fasse cette acquisition, le droit que chaque particulier a sur son propre fonds est toujours subordonné au droit que la communauté a sur tous ; sans quoi il n’y aurait ni solidité dans le lien social, ni force réelle dans l’exercice de la souveraineté » (Contrat social, liv. I, c. IX). Des trois modes d’appropriation dont il est parlé dans ce passage, il n’y a que le premier qui soit conforme aux intérêts de la communauté, c’est-à-dire du plus grand nombre de ses membres ; et Rousseau serait arrivé aux mêmes conséquences que l’auteur du Code de la Nature, s’il avait appliqué les excellents principes développés dans le Contrat social d’une manière trop abstraite et trop générale.

On sait que pour assurer l’égalité des droits, sans laquelle, de l’aveu même de Hobbes[1], il n’y a pas de société durable, plusieurs réformistes ont proposé tout bonnement l’égalité des biens. Mais si l’on entend par là le partage égal des biens, ce moyen va directement contre le but qu’on prétend atteindre ; car tout partage du fonds et des immeubles, laissant à l’individu le droit de vendre et d’acheter, par conséquent de se ruiner ou de s’enrichir, a bientôt fait reparaître l’inégalité des conditions, qui n’est favorable qu’à quelques-uns. Dans nos sociétés, l’égalité des droits n’est qu’apparente et illusoire ; « elle ne sert, dit encore Rousseau, qu’à maintenir le pauvre dans sa misère et le riche dans son usurpation. — Dans le fait, ajoute le même écrivain (Contrat social, liv. I, chap. IX), les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n’ont rien : d’où il suit que l’état social n’est avantageux aux hommes qu’autant qu’ils ont tous quelque chose, et qu’aucun d’eux n’a rien de trop. »

  1. Quæcumque jura unusquisque sibimetipsi postulat, eadem etiam unicuique concedat cæterorum (HOBBES, de Cive, ch. 5.)