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Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/190

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atteinte à ces faibles restes d’humanité ? combien ne faut-il pas d’examens pour s’assurer que celui avec lequel nous traitons est ce que l’on nomme honnête homme ? combien de garants pour prouver qu’il l’est, ou pour l’obliger au moins à agir comme s’il l’était ? Et c’est par ce même intérêt qu’on l’y engage ; c’est ce même motif honteux qui forme les fragiles liens d’amitié ou d’alliance entre les particuliers, en prescrit les devoirs : il assemble également ou dissout les factions, les partis, les cabales les plus odieuses.

Enfin, il serait infini de vous faire une énumération exacte de toutes les pratiques, de toutes les considérations auxquelles une multitude d’intérêts compliqués et d’intrigues entortillées fit donner le nom de vertus, aussi bien qu’il serait impossible de déterminer les nuances de ces coloris de vices. L’inconstante vicissitude de tous ces mobiles du cœur humain forme un concours de désirs, de vues, de projets, dont le mélange produit les événements les plus inattendus, les révolutions, les catastrophes les plus étranges ; accidents que la plupart des hommes attribuent à une fatalité aveugle, parce qu’ils ont la mémoire ou la vue trop courte pour démêler quel est le premier caprice de la fantaisie humaine, qui a donné le branle à ces mouvements extraordinaires, ou qui en change subitement les directions. M. de Voltaire, Siècle de Louis XIV, attribue à cette sorte de fatalité les révolutions politiques qui n’arrivent souvent que par le caprice d’un moine, d’une maîtresse, d’un favori, d’un ministre, qui gouvernent nos maîtres. Il ne s’est pas rappelé l’inf1uence que peut avoir sur le sort des nations une insolence telle que celle du jésuite espagnol, qui dit à un grand : Vous me devez du respect ; je vois votre souveraine à mes pieds, et tiens votre Dieu dans mes mains. Il ne s’est pas souvenu de la paire de gants qui avança la