Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/194

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de ces règles, opprimer le peuple par principe d’équité, de devoir, et mériter des éloges en exerçant une tyrannie contre laquelle on ne peut réclamer sans abroger les lois.

Distinctions bizarres entre les différentes professions.

Les mêmes préjugés, qui ont mis des distinctions qui ne devaient point être entre les mortels, en ont mis entre les professions, les talents ; ils ont avili les uns et fait valoir les autres, comme ils ont avili l’âme, l’esprit, par l’ignorance et la grossièreté chez ceux qui se sont vus les rebuts de l’humanité ; ils ont réveillé, animé l’industrie chez ceux qui ont pu concevoir l’espérance de sortir de la fange ; ont élevé le courage et enflammé l’imagination chez ceux qui se sont crus au dessus du reste du vulgaire, et prétendent s’y maintenir.

On a nommé vils artisans les personnes continuellement occupées à repousser la misère, et qui ne sont appliquées qu’à des travaux pénibles, rustiques, bas et serviles, qui n’ont besoin que de la direction d’un instinct naturel, un peu plus relevé dans l’homme que dans la bête ; on a nommé artistes ceux qui se sont rendus nécessaires aux riches et aux pauvres, par l’invention de quelque commodité ; on a nommé sages, savants, législateurs, hommes d’état, ceux qui ont réfléchi, raisonné, systématisé, réduit en art, en préceptes, toutes nos prétendues vérités, réglé nos pratiques, nos usages, le mécanisme de nos sociétés, de notre gouvernement.

Les intérêts de la patrie n’étant plus les nôtres que dans un éloignement qui nous en rend les effets imperceptibles, nous lui rendons des services dont l’importance n’est plus mesurée sur la réalité des peines que nous prenons pour elle, mais sur la dignité idéale de la profession que