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Causes des guerres, infamie des conquérants.

Dans les temps malheureux où les hommes s’avisèrent de partager entre eux les campagnes, les forêts, les pâturages, les animaux domestiques, les rivières même et les lacs, il ne se conserva plus que quelque apparence d’union entre ceux qui se trouvèrent rassemblés dans une même contrée et s’accoutumèrent à y vivre paisiblement ensemble, parce que les intérêts particuliers, quoique divisés, n’étaient point alors assez considérables ni assez multipliés pour porter les membres d’une même société à des ruptures sanglantes, puisqu’il s’observe quelque discipline, même entre des brigands. Mais à mesure que les peuples changèrent de demeure et s’éloignèrent les uns des autres, ces nations, devenues respectivement étrangères, ne se regardèrent plus que comme des animaux de différente espèce. La fureur de s’approprier, modérée, retenue par quelques égards entre gens d’un même pays, se crut tout permis contre ceux avec qui ils n’avaient rien de commun ; chacun pensa rendre service à la société, en détruisant ou éloignant un autre peuple de son voisinage. De là les guerres injustes et cruelles entre les nations, maux terribles qui coulèrent de la même source qui cause les moindres animosités, les moindres querelles entre nos propres enfants.

De quels traits pourrai-je dépeindre des horreurs dont la voracité des animaux les plus cruels ne firent jamais voir aucun exemple ? Une espèce entière ne se rassemble point pour détruire l’autre. Deux nations couvrent leurs frontières d’une multitude prodigieuse d’hommes. On se rencontre, on se choque avec une impétuosité aveugle. On a vu, hélas ! des humains se baigner avec joie dans mille