Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/30

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puissance de l’attraction morale (Code), et au besoin sur le sentiment du devoir et l’obéissance à la loi commune. Nous avouerons, malgré notre admiration profonde pour le génie organisateur de Charles Fourier, et tout en accordant que son procédé sociétaire est plus en rapport avec nos habitudes et nos lois commerciales, que la solution de Morelly est plus conforme aux principes de justice qui doivent gouverner les sociétés humaines. En effet, un des caractères de tout accord social, c’est que chacun reconnaissant aux autres associés les mêmes droits qu’à soi-même, renonce à toute espèce de privilège, et n’use de la supériorité de sa force et de son talent que dans l'intérêt commun. C’est à cette condition de tout rapporter à la masse, que, dans une société assez nombreuse, la cotisation des forces inégales et des talents variés peut assurer au faible comme au fort, à l’infirme comme au valide, une moyenne proportionnelle de bien-être, qu’il serait impossible de se procurer dans l’état de lutte et d’antagonisme. On dira peut-être que l’association doit vouloir dans son intérêt même que chacun soit rétribué selon son capital, sa capacité, ses œuvres, son talent, etc. Si un pareil mode de répartition pouvait se soutenir quelque temps, on ne tarderait pas à l’abandonner ; à cause des contestations, des jalousies, des prétentions de toute espèce qu’il ferait sans cesse éclater. Outre que l’appréciation exacte des capacités est à peu près impossible, la force des choses conduirait bientôt à ne tenir compte que des besoins, parce qu’il n’y a pas un rapport nécessaire entre la puissance de production et celle de consommation. Un homme de talent peut à lui seul produire bien au delà de ses besoins, et cet excédant de produits profite aux autres. C’est là le bienfait de l’état de société. Toute répartition selon la capacité ou dépasse les besoins ou ne les satisfait pas. Dans le premier cas l’individu accapare, dans le second il est