Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/7

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qu’elle suit ordinairement, sans lui faire apercevoir qu’elle y doit faire attention. »

Le désordre n’est donc pas dans les inclinations naturelles de notre esprit ; serait-il dans celles de notre cœur ? Pas davantage ; s’il faut en croire ce passage de l’Essai sur le cœur humain, qu’il est important de citer : « Rien de plus naturel à l’homme que ses passions : il n’est sensible que parce qu’il peut être heureux, et il n’est raisonnable que parce qu’il est sensible. L’amour de nous-même est ce mobile général qui nous pousse vers le bien, et les passions dont il est la source prennent leurs noms des degrés de force qui nous en approchent ou nous en éloignent. Qu’est-ce donc que notre cœur ? C’est l’amour de notre être. L’amour est le principe de toutes les passions ; elles lui sont subordonnées, ou plutôt elles ne sont autre chose que ce même amour diversifié par les circonstances différentes qui accompagnent le bien qu’il poursuit. La haine qui lui paraît si opposée n’est qu’un amour réfléchi. Un objet n’est un mal et n’excite la haine, que parce qu’il est opposé à un bien que l’amour recherche. De là vient que ces deux mobiles, si différents au dehors par leurs effets, font naître dans le cœur les mêmes passions subalternes, telles que l’espérance, la crainte, la joie, la tristesse, le désespoir. Les différents noms qu’on leur a donnés, n’ont été introduits que pour exprimer les degrés de véhémence dont l’amour est susceptible, et les différentes formes qu’il prend suivant les circonstances. Le cœur est toujours plus ou moins agité par quelqu’une de ces passions subordonnées ; parce qu’il ne peut jamais être sans amour. C’est un feu qui languit, quand les aliments lui manquent ; il cherche alors à reprendre sa première vigueur, en s’attachant à tout ce qui peut l’entretenir. Son activité le porte vers le bien et l’éloigne du mal. »

Le lecteur a dû remarquer ce mot profond : l’homme