Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/76

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volontiers une forme de gouvernement qui, partageant avec certaines proportions les travaux de la société entre ses membres, en diminue considérablement le poids. Bref, un système qui favorise par tant d’endroits le repos et la tranquillité des hommes, ne pourrait-il pas, au moyen de quelques légères modifications, convenir à toutes nations, ou naissantes, ou encore dans l’état de pure nature, quelque variés que soient leurs caractères ?



L’inclination même de l’homme pour le repos est le principe de
l’activité.


Si l’on insiste encore sur ce que par toute la terre les hommes sont naturellement enclins à l’oisiveté et à la paresse, il faut expliquer ce qu’est ce penchant dans son origine. Cet amour du repos et de la tranquillité, est dans la créature raisonnable une tendance vers un point fixe de bien-être ; mais ce point d’appui changeant lui-même, et variant comme la période de nos affections naturelles, dans un certain cercle d’objets, oblige aussi l’homme à changer de posture : la même situation de repos deviendrait importune ; il faut faire effort pour en prendre une autre ; souvent notre impuissance arrête ou retarde l’effort que nous faisons pour nous placer dans une nouvelle assiette ; avis de recourir à des secours ; avis de rechercher qui peut en donner ; avis de mériter ces secours ; avis de contribuer pour sa part au soulagement des autres, en agissant pour le sien propre ; avis de partager le travail pour le rendre moins pénible ; avis enfin qui peuvent être fortifiés, comme je l’ai dit, par l’autorité des lois conformes à leur sagesse[1].

  1. Le besoin que nous éprouvons tous avec plus ou moine d’intensité de changer de travaux et de plaisirs est, dans la théorie passionnelle de Ch. Fourier, un des mobiles primordiaux de la nature humaine ; Morelly, qui ramène tout a un principe unique, regarde ce besoin de changement comme le résultat de la fatigue alternative de nos facultés et de nos organes, et non comme le but direct de nos désirs. Suivant l’auteur du Code, on ne se propose pas d’être inconstant, mais on le devient, parce que, fatiguée d’un objet, l’âme reporte toute son activité vers le nouveau qui l’attire. Il s’ensuivrait que la constance serait en général proportionnée à la force de l’organisation. L’expérience semble confirmer l’opinion de Morelly, mais ne donnons pas trop d’importance à l’explication métaphysique d’un fait qui devient surtout intéressant par les conséquences pratiques que Morelly et Fourier en ont su tirer. — V.