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Faiblesse du pouvoir de nos maîtres les plus absolus.


Qu’on considère les hommes même dans l’état présent des nations : combien d’orgueilleux mortels n’ont que le vain titre de maître ? Tout paraît fléchir devant eux, et tacitement tout s’oppose à leur impérieuse volonté ; tout conspire à la plier elle-même, ou à éluder ses intentions. Le plus vil esclave, une femme méprisable, ont-ils reconnu votre faible, redoutables souverains ? ont-ils découvert le train, l’allure de vos caprices ? ils vous gouvernent avec plus d’empire qu’un écuyer habile ne mâte le coursier le plus quinteux.

Puissants monarques, voulez-vous bien m’apprendre qui est votre premier favori, votre maîtresse ? Je vous dirai qui règne en votre place. Vous ne pouvez les soupçonner de cette ingratitude ; en effet, ils n’en sont pas toujours coupables. Non, ils n’usurpent point votre autorité ; leur valet de chambre, leur soubrette, peut-être leur palefrenier ; que sais-je enfin, quelque chose de plus vil encore, un dervis, un faquir, un moine gouvernent vos états. Croiriez-vous que souvent ces derniers placent près de vous ceux que vous honorez de vos faveur, et disposent des dignités, des emplois, et par et pour leurs créatures ?


Mais examinez de plus près combien votre absolu pouvoir est chimérique : Sultan, vous aviez besoin, naguère, d’établir un tribut nouveau sur votre peuple ; et, pour en diminuer le fardeau, vous n’avez voulu qu’aucun des grands de votre Porte ni des timariots de l’empire en fût exempt ; tous se sont soumis à vos ordres.

Croyant trouver la même obéissance, le même zèle pour le bien de l’État dans vos mouftis, vos imans, qui crient