MALEBRANCHE ET MAINE DE BIRAN
Victor Cousin, dans une phrase célèbre, a rapproché Malebranche et Maine de Biran. Maine de Biran, a-t-il dit, est « le plus grand métaphysicien qui ait honoré la France depuis Malebranche[1] ». Peut-être y a-t-il lieu de mettre en rapport les deux philosophes autrement que pour les glorifier l’un et l’autre, ou même l’un par l’autre. N’y aurait-il pas dans leurs doctrines, par-dessous les thèses qui les séparent, certaines vues plus convergentes, pouvant servir ensemble à l’éclaircissement de tel grand problème philosophique ? Assurément Maine de Biran semble avoir plus de motifs de critiquer Malebranche que de l’approuver ; il n’en a pas moins une admiration vive pour celui qu’il appelle quelque part[2] « le véritable Platon moderne » ; s’il ne néglige point d’expliquer en quoi surtout il s’oppose à lui, il s’attache cependant assez fermement à lui en quelques points ; quelque limitée que soit cette adhésion, elle indique un aspect de la pensée de Malebranche qui certes n’a point été méconnu jusqu’ici, mais qu’il est important de faire ressortir. Le sens et l’intérêt de cet accord partiel entre les deux philosophes apparaîtront mieux d’ailleurs après qu’on aura compris jusqu’où va leur opposition.
Comment le philosophe qui définissait essentiellement l’existence du moi par la causalité, qui faisait consister la causalité du moi dans l’effort moteur volontaire, n’aurait-il pas systématiquement combattu la doctrine des causes occasionnelles ?
On sait, en effet, quel est le fond de cette doctrine. Elle peut se résumer brièvement ainsi : Dieu seul est véritablement cause. Ce