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— Il ne te faut pas rester là, si près de la forêt, — dit-il après un instant. — Commande le chien, pour rassembler tes bêtes.

— Griset ! amène ! amène-les ! — fit la bergerette.

Et le chien, aboyant, ramena les ouailles écartées, que l’Albine toucha lors en arrière, le « mouton de semence » en tête, sa clarine sonnant. Pierre marchait près de la petite, la brebis étranglée sur ses épaules.

Arrivés dans une grande lande, semée de touffes d’ajoncs, les brebis se mirent à paître, et la fillette, désœuvrée, s’accola contre un vieux châtaignier de bordure, ne sachant quoi faire, sa quenouille étant cassée.

— Maintenant, dit le garçon, je vais m’en revenir ramasser des châtaignes, tu ne risques plus rien du loup.

— Laisse-moi ton bâton, tout de même, mon Pierre !

— Le voilà… mais j’estimerais plus rester te garder, dit le garçon en posant la brebis morte à terre.

— Et pourquoi ? Tu dis que je ne risque rien.

— C’est qu’il me fâche de te quitter.

— Et pour quelle raison ?

— Pour ce que je t’aime !

— Alors quand on aime on ne se veut quitter ?

— C’est comme tu dis… Ainsi moi, je voudrais être toujours près de toi, tout près, la nuit aussi bien que le jour !