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l’absence de Capdefer, une lettre qu’elle jeta au feu après en avoir lu quelques lignes.

— Que faudra-t-il dire à M. le baron ? demanda l’autre.

— Vous lui rapporterez ce que vous avez vu.

Dans sa loyauté, Maurette avait même, la veille de son mariage, brûlé le mouchoir teint du sang de Kérado, après l’avoir mangé de baisers. Elle brûla de même ses lettres, après les avoir lues et relues. Pour sa bague, elle la jeta dans le bassin de la fontaine des Angles, où l’eau sourd des profondeurs de la terre. Mais, malgré ces durs sacrifices, le souvenir de l’ami perdu, toujours douloureux comme une épine enfoncée dans son cœur, empoisonnait sa vie.

Quatre années après son mariage, à vingt-deux ans, Reine était dans tout l’épanouissement de sa beauté superbe et triste. Elle n’avait pas eu d’enfants, comme si la vive répulsion de tout son être pour son mari eût desséché ses entrailles et les eût rendues infécondes. Elle ne le regrettait pas ; un enfant de Capdefer lui eût été odieux, et elle laissait son existence désolée couler, lasse, sans but comme sans espoir.