Page:Eugène Le Roy - Au pays des pierres, 1906.djvu/97

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gabelou est parti, la laissant embarrassée d’un petit drole… Mais excusez, monsieur, vous avez l’air de bien connaître le pays ? ajouta interrogativement la femme du passeur.

— J’y ai demeuré à plusieurs reprises, quinze jours, trois semaines, pour acheter des vins…

— Ah ! c’est ça !

— Dites-moi, poursuivit l’étranger, et celle qu’on appelait la Belle Coutelière ?

— Celle-ci, voyez-vous, est la plus malheureuse de toutes. Son père est mort ruiné, et elle a été forcée, pour tirer sa mère de la misère, de prendre cette vilaine bête d’ouvrier qui travaillait chez eux.

— Est-ce qu’il la bat ? demanda vivement l’inconnu.

— Non… mais elle ne le peut pas sentir… À ce qu’il paraît, elle a toujours dans la tête un employé des tabacs qui était son galant.

— Elle a des enfants ?

— Non… et ma foi, c’est tant mieux s’ils devaient ressembler au père !

— Vous le connaissez donc bien ?

— Pardi ! je lui ai porté plus d’une fois mes ciseaux à repasser… et, tenez ! pas plus tard que ce matin, il a passé l’eau ici, allant chez lui, dans le pays bas devers Laforce, sa mère étant à la mort, qu’il m’a dit.

— Il y avait aussi au café Montcazel une grande fille appelée Virginie ?

— Celle-là s’est mariée avec un ouvrier meulier,