Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/135

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avec ma mère pour tâcher de faire passer le lièvre à M. Fongrave, nous trouvâmes un homme qui portait un fusil à la bretelle et menait, par une corde, un méchant briquet qui avait le cou tout écorché. On causait en marchant, et, entre autres propos, l’homme vint à nous dire que son chien s’était pris dans un seton et qu’heureusement, lui étant tout près, à couper de la bruyère, l’avait ouï gueuler et l’avait tiré du lacet à moitié étranglé : entendant ça, je vins à penser que, le comte de Nansac chassant souvent dans la forêt, je pourrais lui tuer des chiens par ce moyen, et je fus content.

À Thenon, ma mère trouva un marchand établi sur la place de la Clautre, à Périgueux, qui venait souvent au marché les mardis, avec deux mulets de bât portant ses marchandises. Cet homme nous dit connaître M. Fongrave qui lui avait plaidé une affaire, et promit de lui rendre le lièvre le lendemain, certainement. Sur cette assurance, nous revînmes à la tuilière.

Je n’allais pas souvent dans la forêt de l’Herm, qui était aux messieurs de Nansac, pour ne pas les rencontrer chassant, ou leurs gardes ; mais un soir, ayant remarqué les endroits, j’y posai deux solides setons doublés et bien attachés à de fortes cépées de chêne, et m’en retournai tout courant. Le lendemain, c’était jour de chasse, et, de loin, j’entendais par intervalles la trompe du piqueur et les voix des chiens. Je ne sus rien de ce jour-là, et j’enrageais en moi-même, quand,