Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/217

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fichus bariolés, mais c’était tout. Me remettant alors en marche, je finis d’arriver à la chapelle et je commençai de chercher dans tout ce peuple. Je fus un bon moment à me promener partout, enjambant les tas de melons, les paniers de pêches, poussant les gens pour avoir place, jouant des coudes pour avancer, et je ne voyais pas Lina. « Sa mâtine de mère, me pensai-je, l’aura peut-être empêchée de venir !… » Tandis que j’étais là assez ennuyé à cette idée, voici montant du bourg, dans le chemin bordé de haies épaisses, la procession du pèlerinage. Comme je regardais si Lina n’était pas dans les rangs, j’ouïs dire derrière moi :

— Eh bien, il pense joliment à toi !

Je me retournai coup sec, et je vis Lina avec une autre fille :

— Ha ! te voilà donc ! Et comment ça va-t-il vous autres ? Il y a un gros moment que je vous cherche ; où étiez-vous donc ?

— Nous ne faisons que d’arriver.

— Aussi je me disais : « Si elle était là, je l’aurais vue, pour sûr ! »

Et voilà que nous nous mettons à babiller tous trois ; non pas de choses bien curieuses, peut-être, mais il suffit que ce soit avec celle qu’on aime, pour y prendre plaisir. À de certaines paroles, quelquefois, on comprend qu’elle veut faire entendre autre chose que la signification des paroles, et on l’entend, encore qu’on ne soit pas bien fin, car, pour ces affaires-là, on a toujours