Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/22

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des ordres, glorieux comme un dindon, avec sa veste blanche et son bonnet de coton, il ne daigna tant seulement pas lui répondre.

Au delà de la première porte, après avoir passé le pont, la Mïon de Puymaigre et d’autres nous attendaient : leurs falots ayant été allumés au nôtre, nous nous en allâmes tous.

Il neigeait toujours, « comme qui jette de la plume d’oie à grandes poignées », pour parler ainsi que les bonnes femmes, et la neige était épaisse d’un pied déjà, dans laquelle nos sabots enfonçaient. À mesure que les gens rencontraient leur chemin, ils nous laissaient avec un : « À Dieu sois ! » À Puymaigre la Mïon nous ayant quittés, nous suivîmes seuls notre route. Cette neige me lassait fort et, tout au rebours de l’aller, je me faisais tirer par le bras.

— Tu es fatigué, dit ma mère : monte à la chèvre-morte.

Et, s’étant baissée, je grimpai à cheval sur son échine, entourant son col de mes petits bras, tandis qu’avec les siens elle ramenait mes jambottes en avant. Tout en allant, je lui faisais des questions sur tout ce que j’avais vu, principalement sur le petit Jésus :

— Est-ce qu’il est vivant, dis ?…

Ma mère qui était une pauvre paysanne ignorante, comme celle qui n’entendait pas seulement le français, mais femme de bon sens au demeurant, me fit comprendre que s’il avait remué, c’était par le moyen de quelque mécanique.