Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

heures. N’ayant rien où accrocher le bout de corde, je fis un nœud dans lequel je passai le cou et je tâchai de m’étrangler. Mais le jeûne prolongé m’avait tellement affaibli que mes bras retombèrent impuissants, et je restai là inerte, immobile.

Depuis que j’avais cessé tout mouvement, les rats, me voyant épuisé, étaient revenus nombreux, prêts à se jeter sur moi. Je les entendais trottiner dans la nuit, et ils s’enhardissaient jusqu’à ronger le cuir de mes souliers. L’idée me vint à ce moment d’en attraper un, pour apaiser la faim qui me torturait. Ah ! avec quelle ardente concupiscence je songeais à déchirer de mes dents une de ces bêtes immondes et à la dévorer crue et vivante !

J’attendis, et bientôt je les sentis grimper sur moi, cherchant le visage et les mains. En vain j’essayai plusieurs fois de les saisir, mes mains n’avaient plus l’agilité nécessaire et je ne pus y réussir.

Et alors, tenaillé par la faim qui me tordait les entrailles, la tête perdue, je portai mes mains à ma bouche et, machinalement, j’essayai de les ronger, mais je n’en avais plus la force, et je restai longtemps sans mouvement, comme anéanti. Maintenant les rats couraient sur moi sans que je pusse les chasser ; leurs morsures mêmes me laissaient presque insensible, et je devenais leur proie sans avoir la force de me défendre. Il me semblait que j’étais là depuis