Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/385

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mant, perdant toute forme humaine, tombait en décomposition, pour ne laisser sur le sable fin, qu’un squelette destiné peut-être dans des milliers d’années, à fonder le système d’un savant de l’avenir, après quelque cataclysme terrestre.

Oh ! sa mère, cette vieille Mathive qui l’avait poussée au désespoir, combien je la haïssais ! Heureusement son fameux Guilhem se chargeait de la faire souffrir comme elle avait fait souffrir sa fille. Il n’y avait pas tout à fait trois mois que la pauvre Lina n’était plus, que, Géral étant mort depuis un an, ces deux misérables se mariaient. Le goujat l’avait forcée, cette vieille affolée, de lui donner tout son bien par le contrat, et maintenant qu’il était le maître, il le faisait voir, pardieu ! De travail il ne lui en fallait pas ; il courait partout les marchés, les foires, les frairies, buvant, jouant aux cartes, ribotant avec des coureuses de ballades et rentrant à la maison pour se reposer seulement. Si alors elle voulait se plaindre, il la traitait comme la dernière des traînées, la rudoyait et finissait par la battre. Et après avoir été bien secouée, comme pois en pot, quand venait le soir, et que l’homme avait largement pris son vin à souper, elle, qui hennissait toujours après ce fort mâle, faisait l’aimable, et, par manière de dire, lui aurait embrassé les pieds. Mais il la mettait à la porte à coups de botte : « À la paille ! vieille chienne ! », et puis tirait le