Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/77

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— Tirez ! tirez ! lui cria la même voix rude, sans pouvoir le faire taire.

Dans le coin du feu, sur un fauteuil paillé, il y avait, les coudes sur ses genoux, une vieille, très vieille, à la tête branlante, qui pouvait avoir cent ans, et nous regardait par côté d’un œil mort. Lui, le maire, était là aussi, dans sa cuisine, un pied sur un banc, attachant un éperon à son soulier, car c’était un mardi, et il allait partir pour le marché de Thenon.

Lorsqu’il eut attaché son éperon, il jeta un grand coup de pied au chien, qui jappait toujours, et le fit se cacher sous la table. Ma mère lui ayant alors expliqué qu’elle venait céans sur son commandement, il lui dit brusquement :

— Alors, c’est toi la femme de Martissou ?

— Oui bien, notre monsieur.

— Cela étant, il te faudra te rendre à Périgueux d’aujourd’hui en quinze, sans faute : on va juger ton homme. Voilà l’assignation ! ajouta-t-il en prenant un papier dans une tirette.

— Mon Dieu, comment ferons-nous ? disait ma mère sur le chemin, en nous en retournant.

Et en effet, sur les trois francs que lui avait donnés Géral, il avait fallu acheter une tourte de pain, de sorte qu’il ne nous restait presque rien. Moi, voyant combien elle se tourmentait à cause de ça, je me faisais du mauvais sang de ne pouvoir lui aider, lorsqu’un matin, rôdant par là sur la lisière de la forêt, je trouvai dans un sentier un lièvre étendu, tué la veille d’un