Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/80

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crosses de ses pistolets ; et derrière, attaché au troussequin, un porte-manteau de cuir, fermé par une chaînette avec un cadenas. De voitures, on n’en voyait pas comme aujourd’hui sur les routes : les gens richissimes seuls en avaient. À une petite demi-lieue de Saint-Crépin, nous entrâmes dans un boqueteau de chênes pour faire halte. Ma mère me donna un morceau de pain que je mangeai avec appétit, tout sec et noir qu’il était ; après quoi, m’étendant sur l’herbe, je m’endormis profondément.

Lorsque je me réveillai, le soleil avait tourné du côté du couchant, et je vis ma mère assise contre moi. Me voyant réveillé, elle se leva, me tendit la main, et après m’être un peu étiré, je me levai aussi pour repartir.

En passant à Saint-Crépin, je bus à une fontaine qui coulait dans un bac de pierre, près du relais de poste, et, m’étant ainsi bien rafraîchi, je continuai à marcher vaillamment, m’efforçant un peu pour faire voir à ma mère que je n’étais pas trop fatigué. Et c’est la vérité que je ne l’étais pas trop ; seulement, les pieds me cuisaient un peu, car ce n’était plus la même chose de marcher nu-pieds sur une route chauffée par le soleil ou sur la terre fraîche des sentiers sous bois.

Il était soleil entrant lorsque nous fûmes à Saint-Pierre car j’avais dormi longtemps dans le bois. Ayant remis nos chausses et nos sabots, après avoir suivi le bourg qui n’était pas bien