Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/89

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Les oiselets voletaient, se poursuivant dans les haies aux buissons fleuris, au pied desquelles pointaient dans l’herbe des petites pervenches et des fleurs de mars, autrement des violettes. La rosée séchait dans les prés reverdis, et, sur le haut des coteaux, travaillés jusqu’à mi-hauteur, les taillis commençaient à prendre les verdoisons claires du printemps. J’étais bien reposé, bien repu, et sans la triste cause qui nous mouvait, c’eût été un plaisir de voyager ainsi.

Un peu après avoir dépassé Sainte-Marie, nous allons rencontrer deux joyeux garçons qui cheminaient en se dandinant un peu et chantaient à plein gosier. Ils étaient habillés de velours noir, ceinturés de rouge et avaient des havresacs de soldats sur le dos. Des casquettes de velours noir aussi les coiffaient sur le côté crânement ; à leurs oreilles pendaient des anneaux d’or, et ils tenaient à la main de grandes cannes enrubannées qu’ils maniaient dextrement, faisant, avec, des moulinets superbes. Ils nous saluèrent jovialement en passant, et nous nous demandions qui pouvaient être ces gens-là ; mais depuis j’ai compris que c’étaient des compagnons du tour de France.

Nous allions arriver à Saint-Laurent, lorsque la pluie nous attrapa, petite pluie fine qui mouillait, et embrumait les prés où serpentait lentement le Manoir. Çà et là, dans les endroits bas, le ruisseau faisait des rosières où nichaient les poules d’eau, et ailleurs se perdait dans des