Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/91

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arriver dans un autre pays. Mais lorsque, après avoir monté la petite côte du Pigeonnier, je vis Périgueux au loin, avec ses maisons étagées sur le Puy Saint-Front, et, tout en haut, montant dans le ciel, le vieux clocher roussi par le soleil de dix siècles, ce fut bien autre chose. Je n’avais encore vu que le petit bourg de Rouffignac, et je ne pouvais m’imaginer un tel entassement de maisons, quoique je n’en visse qu’une partie. La hâte d’arriver me donna des jambes, et, de ce moment, je ne sentis plus la fatigue.

Après avoir longé le jardin de Monplaisir, nous allons traverser le faubourg de Tournepiche ou, autrement, des Barris. Ayant longé l’ancien couvent des Récollets, qui est maintenant l’École normale, nous arrivons sur le Pont-Vieux, aux arches ogivales, défendu jadis par une tour à huit pans dont les fondements se voient encore.

Jamais pluie de printemps ne passa pour un mauvais temps, dit le proverbe ; pourtant celle-ci nous avait mouillés ; mais, à cette heure, elle avait cessé et je n’y pensais plus, curieux de tout ce que je voyais. Tout le long de la rivière, à droite et à gauche, des vieilles maisons qui semblaient descendre du Puy Saint-Front, venaient se mirer dans les eaux. En amont du pont, c’était, au coin de la rue du Port-de-Graule, avec sa façade tournée vers l’Ille, une grande ancienne maison en pierre de taille, superbe avec ses mâchicoulis travaillés, ses larges baies et ses