Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/21

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régions du Périgord. De ce retour annuel, les gens superstitieux concluent que la nature s’associe au deuil de l’Église attristée par la mort de Christ.

Souvent, entre deux ensoleillées, les giboulées mêlées de grésil — de « granisso », comme nous disons — surviennent soudain et mouillent jusqu’à la peau le paysan aux champs. Lui ne s’en étonne pas ; il sait qu’il faut de l’eau pour faire « profiter le revenu » et pousser l’herbe !

Pluie d’avril pour l’homme, pluie de mai pour le bétail.

C’est une dure vie que celle de ce paysan qui nous nourrit tous, mais elle est saine et forte. Il subit stoïquement les intempéries des saisons, les colères de la nature et ses rudes caresses : le froid, la pluie, le vent, la neige et le soleil brûlant. Son « sans-culotte » — ainsi appelons-nous la veste qu’au temps de la Révolution on nommait carmagnole — son sans-culotte est déchiré, ses pieds sont terreux dans les sabots informes, mais qu’importe ? Debout sur son champ, son lourd « bigot » ou hoyau à la main, il est maître, il est roi. Sa figure est hâlée, sa poitrine velue est tannée, mais il est dur à la maladie comme à la peine et dort d’un bon sommeil dans ses draps d’étoupe, près de sa femme, rude comme lui. Celui-là c’est le vieux, l’ancien paysan propriétaire ; le nouveau est moins fruste.

Cet homme, quoique pauvre, est heureux, parce qu’il n’a pas de besoins factices, que peu lui suffit et qu’il est libre. Toute la semaine il ahane, mais le dimanche il fait sa tournée sur ses champs et se réjouit intérieurement en voyant de belles