Page:Eugène Le Roy - L’Année rustique en Périgord, 1921.djvu/61

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C’est un plaisir que de vendanger par un beau soleil, lorsqu’on est jeune, sain et amoureux.

Ordinairement, des amis, des voisines et quelquefois des parents citadins conviés, se joignent à la famille comme en une partie joyeuse. On se groupe selon les convenances ou les sympathies, et les galants s’arrangent toujours pour être près de leur mie.

On babille en suivant les ceps tordus, et à l’ombre des chapeaux de paille les joues animées des vendangeuses semblent de ces « percés » ou halleberges, qu’on trouve pendant aux arbres grèles, ça et là dans les vignes.

La charrette a porté les barriques et les comportes dans un coin, près de la cabane de pierre sur laquelle s’étend un figuier difforme.

À l’ombre d’un sorbier ou d’un cerisier, les fûts sont mis à terre debout pour recevoir la vendange. Celui qui « boule », armé d’une branche de châtaignier fourchue à trois dents, écrase dans une comporte le raisin que les vendangeurs apportent à pleins paniers.

Autour, les mouches bourdonnent et, dans les barriques pleines jusqu’au jable de vendange qui commencent à fermenter, les guêpes au corselet d’or se gorgent de moût. Il y a dans ces tableaux comme une réminiscence des temps antiques. Le bouleur lui-même, les bras nus, rouges du sang de la grappe, semble un dieu des vendanges rustique.

Lorsque vient l’heure de repaître, on s’assied par terre à l’abri du soleil, chacun son couteau de poche à la main, et on coupe de bons « croustets » à la tourte enfarinée. Avec ce pain savoureux, on mange une omelette, du fromage de chèvre, des