Aller au contenu

Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ville, vous le tolérez ici ! Ce qui serait pour monsieur de Bretout un gros péché n’est pour votre curé qu’un signe innocent d’amitié ou de bon cousinage. Tantôt la pénitente de l’un, tantôt celle de l’autre, tiraillée entre deux confesseurs, vous n’êtes jamais vous-même… Ne voyez-vous pas tout ce que ce partage de votre conscience a de monstrueux ? Que ne la dirigez-vous en personne ! Interrogez-la, cette conscience, et elle vous répondra que, vous sachant en sûreté avec moi, vous n’avez pas commis un acte répréhensible en laissant prendre une gentille privauté à celui qui vous aime…

À cette déclaration, qui terminait brusquement une longue apostrophe, Minna rougit et demeura muette.

— Pourtant, fit-elle au bout d’une minute, il faut de la religion Daniel ! Comme disait monsieur de Bretout dans son sermon de l’Avent, c’est la marque de l’honnête homme. Moi, j’ai été élevée par une mère très pieuse et par une tante ancienne ursuline, que la Révolution avait chassée de son couvent. Aussi j’ai la foi. Je crois à tout ce qu’enseigne l’Église et je suis, à la lettre, ses commandements. Je dis mes prières matin et soir. Je me confesse souvent et j’obéis aux ordres de mon confesseur, quel qu’il soit. Si ce qui semble indifférent à l’un semble mauvais à l’autre, je me le permets ou m’en abstiens, selon la volonté de celui qui me dirige dans le moment : c’est tout simple.

— Tout simple !

— Vous qui êtes un incrédule, Daniel, vous ne pouvez comprendre cela. C’est pourtant beau, allez, la religion ! Si vous aviez assisté à la grand’messe de Noël, à Ribérac, vous seriez obligé d’en convenir. Au milieu de la verdure et des lumières, le petit Jésus,