Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cause de ses cinq pieds sept pouces, femme de Mériol et quasi-mère de Daniel.

— Laisse-moi aider Mériol à décharger la malle, fit-il.

— Non, non ! entre, sèche-toi, tu es tout abreuvé, pauvre ! dit-elle en lui ôtant son manteau.

Et, l’ayant embrassé derechef, elle ressortit et reparut bientôt, portant avec aisance la lourde malle sous son bras.

Ayant retiré ses bottes, les pieds à l’aise dans des sabots bien secs, Daniel se rencogna, avec un petit frisson de plaisir, dans le « canton » de la vaste cheminée où flambait un clair feu de fagots. La Grande s’informait de son voyage, de sa santé, lui narrait la mort de son père, entremêlait ses questions et son récit d’exclamations piteuses ou satisfaites selon le cas, poussées de sa grosse voix d’homme. Tout en parlant, elle allait et venait, achevait de préparer le souper, mettait le couvert au bout de la longue table massive. Cependant, Mériol ayant soigné la jument, entra, déboucla devant le foyer des sortes de houseaux faits de peaux de brebis, la laine en dedans, et changea ses gros souliers ferrés pour des sabots garnis de fougère.

Puis, la Grande trempa la soupe, — une bonne soupe de choux, de raves et de haricots, dont l’odeur familière sembla délectable à Daniel qui se rappelait les potages graillonneux de sa gargote d’étudiant. — Voyant cela, Mériol aveignit une pinte sur le vaisselier et alla tirer à boire. Puis, le maître et lui s’étant lavé les mains à l’évier, tous deux s’attablèrent, et, après que Daniel eut mangé une pleine assiette de soupe, la Grande prit la pinte et lui versa un copieux « chabrol ».