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Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/299

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de tapisserie, vêtue d’une robe de laine blanche et les genoux recouverts d’une couverture de Catalogne. La tête de la malade, chargée d’une lourde chevelure brune, s’accotait au dossier, et sa figure pâle aux traits délicats n’avait de vivant que de grands yeux noirs qui se fixèrent sur son mari avec une expression d’horreur.

Doña Maria ne savait pas le français. Heureusement, au cours de ses classes, à Bordeaux, Daniel avait appris assez d’espagnol pour se faire entendre d’elle. Le cas, du reste, était bien simple : la « chère épouse » de don Esteban se mourait d’une fièvre pernicieuse, contractée depuis son arrivée dans cette contrée homicide. Après s’être un peu entretenu avec la malade, le docteur prit congé d’elle en prononçant quelques paroles rassurantes, qu’elle accueillit par un geste d’incrédulité navrant.

Au bas de l’escalier, Daniel dit brusquement au mari :

— Le climat de la Double tue votre femme ; l’air natal la guérira : emmenez-la, il n’est que temps !

Don Esteban répondit que, pour des raisons politiques, il ne pouvait rentrer en Espagne.

— Alors, conduisez-la bien vite à Pau !

L’Espagnol répliqua aussitôt qu’étant obligé de se cacher, il ne pouvait habiter cette ville.

— Au moins, repartit Daniel ne la laissez pas dans ce pays de fièvres mortelles ! Vous pouvez aussi bien vous cacher à trois ou quatre lieues d’ici, sur les coteaux salubres du Périgord…

No se puede[1].

Le docteur le regarda.

  1. « Cela ne se peut. »