Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/41

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fera perdre un revenu qui vient tout seul sans qu’on y pense, disait le notaire.

— Pourtant je ne veux pas vendre le moulin, ni toucher au Désert.

— Il y aurait bien un moyen de te tirer d’affaire sans rien vendre.

— Et quel ?

— Ça serait de te marier.

— Et avec qui ?

— Avec une qui aura quelque jour soixante mille francs dans son tablier… Tu l’as vue apportant deux pommes du grenier…

Daniel se mit à rire, un peu gêné de cette brusque proposition.

— Et je te réponds que celle-là, reprit M. Cherrier, elle ne mangera pas ton bien, ni le sien !

— Je le crois…

— Mais, tout de même, ça ne te va pas ?… Eh bien, poursuivit le notaire en voyant Daniel rester muet, mon garçon, tu as du nez ! C’est sa mère toute crachée, et j’ai trop pâti d’avoir épousé celle-ci pour te conseiller d’épouser la drôle. Tu es le fils de mon meilleur ami, je ne voudrais pas faire ton malheur ! Ce que je t’en disais, c’était par acquit de conscience, et puis pour te jauger… Il faut donc vendre les Goubeaux, et les vendre en détail. Ce mâtin de Légé achèterait bien les bois en entier ; seulement, il en offrirait le quart de ce qu’ils valent… Mais je le verrai demain à Mussidan et je tâcherai de savoir ses intentions… Quant à moi, j’ai toujours opiné que, s’il a prêté à ton père au taux de quinze pour cent, — ce qui est une honnêteté de sa part, — c’est qu’il a voulu le forcer, dans l’avenir, à lui céder ces bois faute d’argent pour le remboursement… Enfin nous