Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/442

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

De longs mois s’écoulèrent. Les bûcherons qui suivaient la sente à l’orée de la lande, les braconniers qui traversaient les bruyères, n’apercevaient plus au loin le parpaillot fouissant la terre, ou se reposant les mains jointes sur le manche de sa bêche ; ils se demandaient ce qu’il pouvait bien faire. Leur curiosité s’excitant, quelques-uns passèrent plus près de la maison et, la voyant bien close, ils supposèrent une absence de l’habitant : « Peut-être était-il aller crever dans quelque hôpital ?… » Enfin, comme la bicoque restait toujours obstinément fermée, un petit pâtre glissa un coup d’œil à travers une fente d’un contrevent, découvrit dans l’ombre une vague forme humaine étendue sur un lit, et se sauva épouvanté.

Le maire, averti, vint avec des hommes. Par une lucarne du grenier, l’un d’eux pénétra, et, tout étant ouvert, le cadavre du docteur apparut, desséché, parcheminé, comme momifié par le froid et le temps.

— On dirait une de ces carcasses recueillies dans le caveau de Saint-Michel ! s’écria le maire qui jadis avait fait le voyage de Bordeaux.

Sur une petite table boiteuse, calée avec une brique la vieille bible de famille était béante, à l’endroit où sur des feuillets blancs, était inscrite la généalogie des Charbonnière.

Après son article à lui, qui la terminait, Daniel avait écrit, d’une grande écriture droite et ferme, ces lignes que le maire lut, ses besicles mises :


« La mort est comme la naissance une opération de la nature, une nouvelle combinaison des mêmes éléments. »