Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/49

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lui avait aussi, selon le précepte de l’Émile, fait apprendre un métier, celui de laboureur, en sorte que Daniel traça passablement quelques sillons.

— Eh bien ? demanda-t-il à Mériol en lui remettant le mancheron.

— Pas mal.

Le jeune homme sourit, quitta le laconique bouvier et s’en fut à travers pays. Un léger vent d’Est se levait et dissipait le brouillard qui maintenant permettait d’entrevoir le soleil comme derrière un écran. Des lambeaux de vapeurs laiteuses s’envolaient et s’accrochaient parfois aux masses compactes des futaies, laissant après elles des perles de rosée aux épillets des folles herbes et aux toiles d’araignées tendues parmi les bruyères.

Entre des taillis de châtaigniers aux cépées serrées et droites comme des piques, un étang d’une vingtaine d’arpents, qui allongeait sa queue herbeuse dans les replis d’un vallon marécageux, fumait légèrement sous les rayons amortis du soleil. Tout autour, sur les bords, des roseaux entremêlés de salicaires, joncs, quenouilles, saponaires, iris gladiés, sagittaires, formaient des fouillis inextricables où se cachaient les poules d’eau et les plongeons. Plus au large, des anémones aquatiques et de grandes feuilles rondes de lis des étangs s’étalaient à la surface. Au bruit des pas de Daniel sur la chaussée, deux petites sarcelles, qui jouaient gracieusement sur la nappe d’eau, s’envolèrent effarouchées.

Après avoir passé l’étang, le jeune homme entra dans des taillis de chênes qui revêtaient une succession de larges ondulations du sol. Ces bois, envahis par les ronces et les épines, — « sales », comme on dit, — étaient traversés de laies étroites, de sentes