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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/12

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La Damnation de Saint Guynefort



(Suite)



Quatre mois après, la petiote église de La Noaillette était faite et parfaite. Les charpentiers avaient posé à la cime du clocher un beau bouquet qui avait été congrûment arrosé le dimanche d’après, et maintenant un superbe coq de fer étamé, indiquait les quatre vents de l’horizon aux bonnes gens du bourg. Au dedans, tout était en ordre. Le plafond fait de lambris cloués en voûte était passé en gris ; le maître-autel était en sa place, au chevet, avec tous les chandeliers et autres accessoires nécessaires. Peu auparavant, les fondeurs de cloches de l’Orsarie, en Nailhac, avaient fait leur œuvre au pied même du clocher, selon la coutume, et au moyen de la fameuse cabre, la campane, pesant seulement deux quintaux la pauvre ! avait été montée et logée en son lieu et place.

Il n’y avait plus qu’à consacrer la nouvelle église, et à installer le capelan. Mais auparavant il fallait le choisir, et c’est pour cette fin que tout le peuple de la paroisse était assemblé à La Noaillette, le dimanche de la Nativité.

Ainsi que l’avait prédit le sire Joffre, le clerc Guynefort fut élu haut la main, et quelques pauvres galliots coureurs de bénéfices qui guignaient la place, s’en retournèrent déconfits. Le pèlerin n’eut pourtant pas l’unanimité des voix des chefs de famille. Un certain Mondissou, du Clédier-de-Villemur, passa résolument à gauche, lorsque le nom de Guynefort fut mis en avant. C’était alors la manière de voter : « non » ; car comme bien on pense, en ce temps là les bulletins de vote et les urnes en sapin n’étaient pas encore inventés.

Interrogé par l’écuyer sur le motif qui le mouvait à senestre, Mondissou répondit sans barguigner, qu’il s’était marié au carnaval dernier avec une jeune femme frisque et gaillarde, laquelle était férue du pèlerin depuis son arrivée