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Page:Eugène Le Roy - La Damnation de Saint Guynefort.djvu/46

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— Grand merci, monseigneur !

— Puis, comme j’aime les gens d’esprit, les humains qui ont de l’engin et du savoir faire, je t’attache à ma cour ; tu seras mon porte-curedent : viens recevoir les insignes de ta dignité.

Lors gravit les marches de l’estrade le curé Guynefort, et lorsqu’il fut agenouillé devant le roi des enfers, celui-ci lui passa au col une chaîne d’or à laquelle pendait un étui enrichi de pierreries, contenant le curedent royal :

— Tu te tiendras derrière moi pendant les repas, et lorsque j’aurai soupé d’une cuisse de nonnain, bien dodue, bien grassouillette et tendre, je te donne licence de sucer le curedent après que je m’en serai servi… Hein ?

Là-dessus, toute la cour diabolique éclata de rire, et la cérémonie achevée, les diables courtois emmenèrent Guynefort se rafraîchir à la buvette.

Et tandis que joyeux propos trottaient, que circulaient les flacons de vins de Falerne, de Chypre, de Ténédos ; les coupes d’hydromel, d’hypocras, et que trinquaient les courtisans infernaux à la santé du nouveau venu ; en bas, sur la Terre, dans l’église de La Noaillette, on chantait à tue tête :

Saint Guynefort
Pour la vie et la mort !


Avril 1901. Eugène LE ROY.